Après un mauvais départ en juillet, une nouvelle version du nouveau DPE est sortie début novembre avec des corrections censées le rendre plus juste. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde. Les premiers retours de terrain et plusieurs avis d’experts ne permettent pas d’entrevoir une amélioration prodigieuse.
Pour rectifier le tir, les diagnostiqueurs ont commencé à rééditer les DPE produits depuis le 1er juillet. Cette réédition gratuite pour les propriétaires reste automatique pour 85.000 logements classés F et G, construits avant 1975; facultative pour les logements étiquetés D ou E. Aux propriétaires d’en faire la demande.
Premiers retours de terrain
Nous avons interrogé des diagnostiqueurs, principaux concernés, pour avoir leur ressenti sur cette réédition. Pour Sébastien Hanot, chez Altis Diagnostic à Paris : « J’ai commencé la réédition et pour le moment, je trouve l’algorithme de calcul plus juste (…). Le seul problème que je constate, c’est pour les petits logements, ils perdent plus que les autres mais sinon je n’ai pas constaté de changement dans les notations ».
Le sentiment général est que le nouveau DPE et ses nouveautés ne modifient pas vraiment les étiquettes. Du moins, pas en masse comme l’espéraient peut-être les pouvoirs publics. Dans le Nord, Sibane Diagnostics confirme, « dans les dossiers que j’ai traités, un seul a changé de note, mais de deux-trois kilowatts pas plus ». A Limoges, Laurent Cazillac, EDI Expertise, évoque à son tour peu de changements parmi la dizaine de DPE réédités par son cabinet jusqu’à présent, « à la demande de notaires ». « On améliore la performance énergétique, mais pas suffisamment toutefois pour changer de classe. » D’autant qu’avec une étiquette double, il faut à la fois améliorer les consommations énergétiques, et les émissions de gaz à effet de serre, pour espérer une meilleure classe.
Les diagnostiqueurs interrogés pointent aussi les limites de ce nouveau DPE, pour Céline Hanrion (Céline Diagnostics) : « la problématique majeure, c’est de pouvoir bien mesurer l’isolation, je mets beaucoup de logements en valeur par défaut à cause de ce nouveau DPE ». De son côté, Alban Masseline (Cabinet Masseline) regrette l’absence de formation ou d’information pour cette réédition. « Chaque diagnostiqueur fait comme il peut, on prend du temps à refaire ces DPE et au final rien ne change. C’est beaucoup de travail, de temps, tout cela sous la pression des notaires qui demandent que l’on refasse les dossiers au plus vite. »
« Une révision cosmétique »
Simples retours de terrain sans valeur statistique bien sûr, il faudra attendre un volume de DPE réédités suffisant pour confirmer (ou non) l’utilité de cette réédition ordonnée par le ministère. Mais d’avis d’experts, il ne faut pas s’attendre à une amélioration flagrante. « On a annoncé à grands coups de trompette que le nouveau DPE avait été corrigé, mais ce n’est pas vrai du tout », estime Christian Cardonnel, consultant. « Cette révision reste d’abord cosmétique, avec quelques points améliorés, mais de grosses erreurs qui demeurent (lire notre article). Rien d’étonnant que l’on retrouve donc le même résultat et un classement de bien identique. »
Olivier Sidler, porte-parole de l’association négaWatt en est aussi convaincu. «Les corrections qui ont été apportées récemment à la méthode du DPE ne vont rien changer (…). Aujourd’hui ça va devenir pratiquement impossible de rénover au bon niveau de l’ordre de 800.000 logements, par an, au niveau BBC, fixons-nous des objectifs réalistes. »
Plutôt embarrassant. Car si les premiers retours de terrain et l’intuition des experts se vérifient dans les prochaines semaines, les pouvoirs publics risquent de se retrouver au même point qu’à la rentrée. Avec un parc de passoires énergétiques bien plus important qu’espéré, qui compromet le rythme et les ambitions de rénovation énergétique. Retour au point de départ. A quelques mois de la présidentielle, dans un climat forcément fébrile, cela risque de faire tâche. Le DPE n’a peut-être pas fini d’évoluer…
Crédit: infodiag.fr